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Dans notre chapitre Berlusconneries

Quand la Kolossale Europe est impuissante à faire respecter les droits de l’Homme chez elle !

Tristes histoires de Roms à Rome

vendredi 25 juillet 2008 par JMT

L’Europe censée protéger les droits de l’Homme est aux prises avec le gouvernement italien qui a décidé de ficher les 120000 Roms ex-yougoslaves qui se sont réfugiés depuis des décennies en italie et se trouvent quasiment apatrides avec des passeports sans valeur. Après les milices citoyennes, voilà qu’à Rome on charge la Croix-Rouge de ficher les Roms.

Bruxelles proteste mais Berlusconi s’en fiche, il sait qu’il a l’assentiment d’une majorité de ses concitoyens.

Sont-ils tous aussi indifférents que le montre la scandaleuse photo "orientée" commise par un photographe qui sévit aussi pour les campagnes de pub de Benetton et que la presse internationale a plébiscitée à son corps défendant ?

Noyade de jeunes Roms : le photographe relativise la portée de ses images

LEMONDE.FR avec AFP

Le photographe auteur des clichés montrant des vacanciers prenant le soleil ou téléphonant à côté du corps de deux adolescentes roms noyées sur une plage du sud de l’Italie a tenté, vendredi 25 juillet, de relativiser la portée de ses images. Il estime que cette affaire a été "gonflée" par les médias étrangers.

"J’avais pris plusieurs photos, certaines montraient des vacanciers vaquant à leurs occupations. Sur les autres, on voyait des personnes qui se sentaient visiblement concernées, ou qui aidaient à transporter les cercueils", a déclaré Alessandro Garofalo, 30 ans, qui travaille pour le journal de Naples Il Mattino. "Sur les photos qui ont été choisies par les journaux du monde entier, on ne voit que des personnes indifférentes", déplore-t-il.

"DES VACANCIERS SE SONT JETÉS À L’EAU"

Plusieurs quotidiens européens ont publié ces photos, dont le journal britannique The Independent, sous le titre "Les images qui font honte à l’Italie". Les cadavres sont restés étendus environ une heure sur la plage de Torregaveta, au nord de Naples, recouverts de serviettes de toilette, avant que les cercueils n’arrivent.

D’après le photographe, "plusieurs vacanciers se sont jetés à l’eau pour sauver les deux jeunes filles qui ne savaient pas nager et ont ensuite couvert leurs corps". "J’ai pris les photos avec un téléobjectif moyen, ce qui donne l’impression que les gens se trouvaient plus près des corps qu’ils n’étaient en réalité. Ils étaient à une dizaine de mètres", explique-t-il.

L’image de l’Italie a déjà été écornée par la décision du gouvernement de Silvio Berlusconi, le 25 juin, de collecter les empreintes digitales de la population rom en Italie. Le Parlement européen a adopté, le 10 juillet, une résolution réclamant la fin de ce recensement jugé discriminatoire.

VIDEO

Italie : Les images de la honte

23 juillet 2008 - 18h20

Des photos publiées lundi par La Repubblica montrent les corps sans vie de deux fillettes roms, qui viennent de se noyer. A quelques mètres, les touristes continuent de bronzer, sans broncher.

Italie : polémique sur une photo

Le Vendredi 25 Juillet 2008 à 07h40

Une photo montrant les corps de deux adolescentes Roms venant de se noyer sur une plage italienne avec en arrière plan des touristes continuant à bronzer fait polémique. La presse étrangère accuse les italiens d’être devenus insensibles au sort des Roms à force de les stigmatiser.

Alors que l’Italie raffermit sa politique en matière d’immigration, visant en particulier les peuples nomades, une photo d’Oliviero Toscani (photographe pour les campagnes de pub de Benetton notamment) fait réagir la presse internationale, mais peu les autorités italiennes.

On y voit les corps de deux adolescentes Roms étendues sur la plage, recouverts de serviettes avec en arrière plan des touristes qui continuent à bronzer.

Certains journaux étrangers pointent l’insensibilité que la presse nationale a cultivé chez les italiens à force de grossir les forfaits de la population Rom.

Le photographe regrette la polémique qu’a suscitée son cliché. Il précise que plusieurs personnes se trouvant sur la plage ont plongé au secours des fillettes qui ne savaient pas nager.

Marie Billon

Dossier Situation socio-économique des Tziganes

Le Vendredi 25 Juillet 2008 à 03h30

A l’heure où le fichage des Roms par le ministère de l’Intérieur italien suscite une vive polémique à l’échelle de l’UE, En3mots revient sur les conditions de vie difficiles d’un peuple aux marges de la société.

Le monde tzigane fascine

Univers mystérieux, presque insaisissable. Depuis toujours, les Tziganes séduisent. Suscitant à la fois fascination et méfiance, ils sont les deux facettes d’une même médaille. Cependant, de cette culture il ne faut pas retenir que le folklore. La question tzigane va bien au-delà des stéréotypes de diseuses de bonne aventure. Aujourd’hui, un regard nouveau doit être porté sur cette communauté qui est la cible de nombreuses discriminations : exclusion sociale, pauvreté, racisme, scolarité des enfants etc.

Des estimations et des définitions variables

Pour commencer, les estimations de population sont au cœur de la polémique : en Europe, elles oscillent entre six et neuf millions d’âmes. Le recensement - considéré comme discriminatoire - n’étant pas autorisé, il est difficile de fournir des chiffres précis.

Selon l’Union européenne, ils seraient 700 000 à 800 000 en Bulgarie, 250 000 à 300 000 en République tchèque, 550 000 à 600 000 en Hongrie, 8200 en Lettonie, 50 000 à 60 000 en Pologne, 1,8 à 2,5 millions en Roumanie, 480 000 à 520 000 en Slovaquie, 6500 à 10 000 en Slovénie, et quelques milliers en Serbie, au Monténégro et au Kosovo.

De plus, la « tziganologie » est souvent déroutante. A commencer par la myriade d’appellations qui qualifie le peuple tzigane : Manouches, Sintis, Gitans, Roms, Yamishes…

Cela prouve que cette communauté ne constitue pas un bloc monolithique mais plutôt une mosaïque identitaire. La culture tzigane repose sur des valeurs telles que le respect, l’honneur, la solidarité, la pureté.

Caractérisée par une vision holiste de la société, elle place le « groupe » ou « clan » au cœur de la tradition. Bien plus qu’un mode de vie, la centralité du groupe est une philosophie. Les Tziganes ne possèdent pas de langue écrite mais une kyrielle de dialectes. Ils n’ont ni religion spécifique, ni territoire, ni Etat, ni textes fondateurs. Malgré les violences sempiternelles dirigées contre ces populations, au-delà des persécutions et de la ghettoïsation, la culture tzigane, bien que fragile, lutte pour survivre.

Aux marges des sociétés européennes

Les Tziganes sont maintenus aux marges de la société, aux périphéries géographiques et sociales. Selon la Banque mondiale, 80 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, gagnant moins de 4 euros par jour.

Plongées dans une situation socio-économique difficile, ces populations sont victimes d’un phénomène de ghettoïsation : tel un cordon sanitaire, la municipalité tchèque d’Usti-nad-Labema a érigé un mur autour d’un ghetto tzigane. Cette mesure radicale, ayant pour but de les isoler est l’une des nombreuses manifestations de la xénophobie anti-tzigane.

Leurs conditions de vie sont souvent des plus insalubres : vétusté des habitations, des taux de natalité, de mortalité – particulièrement de mortalité infantile – très élevés etc. En Bulgarie et en Roumanie, la misère atteint son point paroxystique, l’extrême pauvreté est monnaie courante chez les Tziganes.

Lors de la chute des régimes communistes – en Europe centrale et Europe de l’Est -, la transition d’une économie planifiée à une économie de marche a été coûteuse pour les Tziganes. Cette dernière a catalysé un processus de déliquescence de leurs conditions de vie. Souvent peu qualifiés, ces derniers seront les premiers à être licenciés et donc les premières victimes des thèses néo-libérales.

Dans les années 1970, 80 % des tziganes résidant en Hongrie avaient un emploi. En 1990, ils ne sont plus que 26 %. Ces taux de chômage exorbitants précipitent les communautés tziganes au bord du gouffre : elles sont happées par un cercle vicieux de pauvreté, violence et délinquance. La dégradation de l’emploi a pour conséquence directe la décrépitude du marché des logements : une majorité de tziganes sera poussée vers les périphéries des agglomérations, dans des « foyers pour mauvais payeurs ».

Ce sentiment d’exclusion et de rejet influe également sur la scolarité des enfants. En 1989, cinquante jeunes Roms suivaient un enseignement secondaire en République tchèque. En 2005, ils sont près d’un millier.

Malgré des progrès relatifs, l’école est encore loin d’être un modèle d’égalité et de justice pour les Tziganes. En effet, un grand nombre d’entre eux sont réorientés vers des « écoles spéciales » ; en d’autres termes, des institutions destinées aux enfants handicapés mentaux. Selon un rapport gouvernemental tchèque datant de 2005, 75 % des Roms sont redirigés vers ces écoles.

Afin de remédier à un déficit d’éducation, la Hongrie et la Bulgarie ont mis en place un système de discrimination positive en faveur des Tziganes. Quand 67 % de la jeunesse bulgare poursuivent des études secondaires, seuls 11 % des Roms ont un parcours scolaire si avancé.

Un autre obstacle se dresse devant les populations tziganes – notamment les 300 000 d’entre eux qui résident en France : les aires de stationnements et le déficit des schémas d’accueil.

À cause des phénomènes d’urbanisation et de la réglementation de l’occupation des sols, la liberté de mouvement – raison d’être d’un peuple qui repose sur son nomadisme ancestral – est très restreinte.

A partir des années 1990, la loi Besson a imposé aux communes de plus de 5 000 habitants d’assurer des « conditions de passage et de séjour pour les gens du voyage sur son territoire par la réservation de terrains aménagés à cet effet. »

Près de 300 terrains ont vu le jour, ayant une capacité d’environ 5 000 places. Sur une cinquantaine de départements sensibilisés par la question des schémas d’aménagement, seule une dizaine ont tenté une approche pragmatique. Ces mesures bénéficient de l’appui de l’Etat - qui répond a 35 % des dépenses par des subventions pour la création de terrains -, le Fonds d’Action sociale, les caisses d’allocations familiales etc.

Cependant, la clé du débat est ailleurs : des formules de relogements mal adaptées ont attisé les tensions entre les populations locales et les gens du voyage. En effet, le manque d’aire d’accueil a mis en lumière un second dysfonctionnement : les vagues d’affluence des populations tziganes sur certains terrains. L’afflux excessif sur ces terres est une source de litiges : problèmes de scolarisation, branchements « sauvages » avec l’eau et l’électricité etc. Ceci a conduit a l’avènement d’une nouvelle loi : les articles 19 et 19 bis de la loi Sarkozy sanctionnent sévèrement les infractions du stationnement.

La question de la représentation politique

Enfin, un dernier élément joue en défaveur de ces populations : leur manque de représentation politique et d’organisation dans les sphères publiques locales. En Bulgarie, la communauté des Kardarash est la plus investie en politique. Les autres membres de la communauté ne leur conférant que peu de légitimité, leur poids politique est limité. Les faits dispensent de commentaires ; un seul et unique député d’origine tzigane siège au Parlement bulgare : Toma Tomov, député socialiste.

Cependant, bien que la représentation politique soit déficitaire, la lutte pour la reconnaissance des droits tziganes n’est pas condamnée à rester dans l’ombre : le 28 juillet 2003, lors d’un congré mondial tenu a Prague, la parole est donnée aux tziganes en quête de reconnaissance. Des délégués provenant de 39 pays ont réclamé la reconnaissance de leur nation. Selon Emil Scuka, président de l’Union Rom Internationale, « il faut renouveler le mode de représentation traditionnel des nations ».

Il existe cependant une mobilisation à l’échelle européenne sur la question tzigane : à partir de 2005, neuf pays – Hongrie, Croatie, Bulgarie, Roumanie, Macédoine, Slovaquie, République Tchèque, Serbie, Monténégro – se sont engagés à mettre en œuvre un « programme commun pour l’intégration des Tziganes ».

Ainsi, le paroxysme de ce mouvement est atteint a Budapest, lors d’une rencontre organisée par la Banque mondiale, la Commission européenne, et l’Open Society Institute (OSI). Ceci constitue une première main tendue aux Tziganes depuis la chute des régimes communistes.

Nul doute que l’élargissement de l’Union Européenne (UE) ait renchéri cette dynamique ; par ailleurs, les pressions d’immigrations suscitées par les conditions de vie désastreuses de cette communauté ne laissent pas l’UE indifférente. Au contraire, elle se doit de se pencher attentivement sur la question tzigane.

Néanmoins, les pressions d’immigration ne devraient pas être l’unique leitmotiv de l’UE pour donner une légitimité à la cause tzigane. En 2004, l’Union a ouvert ses portes à dix pays, dont la République Tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. En 2007, les Européens ont donné une chance à la Roumanie et la Bulgarie. Il n’y a plus qu’à espérer que cette nouvelle dynamique supranationale améliorera la condition des populations tziganes et le traitement des autres minorités en Europe.

Rebecca Benhamou

L’Italie en accusation après la publication des photos de deux fillettes roms mortes sur une plage de Naples

LE MONDE

AFP/STR Une des photos publiées, lundi 21 juillet, par le quotidien "La Repubblica" montrant l’indifférence des Italiens devant les corps sans vie, sur une plage de Naples, de deux fillettes roms mortes noyées. ROME INTÉRIM

Les photos sont choquantes. Sur la plage, la vie continue comme si de rien n’était alors que deux corps gisent sur le sable. Ils ont été recouverts d’une serviette de bain. Près de Naples, samedi 19 juillet, deux fillettes roms viennent de se noyer. Elles s’appellent Violetta et Cristina, respectivement âgées de douze et onze ans. Elles étaient venues du campement voisin vendre leur pacotille sur la plage, comme chaque jour. L’indifférence saute aux yeux.

Sur une des photos, derrière les corps, on voit, sur le fond, un couple assis au soleil. Un homme téléphone. Deux autres images montrent les cercueils transportés devant une rangée de transats avec des gens allongés face à la mer. Quelqu’un rentre, tranquille, de sa baignade.

C’est cette indifférence que dénonce l’archevêque de Naples, Crescenzio Sepe, dans La Repubblica, qui a publié ces photos terribles, lundi 21 juillet. "Ces images, dit le prélat, font encore plus mal à Naples que celles de ces derniers mois de la crise des déchets."

Les photos font le tour du monde. Un journal britannique, The Independent, écrit à la "une" que "les Italiens n’ont plus de respect de la vie des roms". Amalgame inévitable entre la mort des deux petites et le recensement en cours dans les camps nomades du pays. Taxé de "raciste" par le Parlement européen, ce fichage est perçu comme la preuve définitive de la "dérive xénophobe" du gouvernement Berlusconi.

RECENSEMENT CONTESTÉ

La communauté rom aussi est indignée. La grand-mère des victimes s’en prend aux secours et à l’indifférence générale sur la plage. Selon les secouristes, au contraire, tout ce qui était possible a été fait. Les fillettes étaient quatre. Il faisait chaud. Elles ont décidé de se baigner, tout habillées, probablement sans savoir nager. La mer était agitée. Deux ont pu être sauvées. Les autorités reconnaissent que si les corps sont restés longtemps sur la plage, c’est à cause des démarches pointilleuses prévues par la bureaucratie dans ce genre de cas.

Ce n’est pas la première fois. Plusieurs cas semblables ont été signalés ces dernières années. Avec des victimes italiennes et étrangères. Reste qu’en ce moment l’Italie est surveillée de près. Une mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) est d’ailleurs ces jours-ci dans les camps nomades où se déroule le recensement contesté.

Dans la capitale, les opérations de récolte d’informations, conduites par la Croix-Rouge, ont débuté, lundi 21 juillet. D’ici à la fin du mois, le gouvernement doit rendre un rapport complet sur le déroulement du recensement à la Commission européenne.

Salvatore Aloïse

L’Europe, seul espoir des Roms

Viktoria Mohacsi, Rom, Hongroise, députée de l’Alliance des démocrates et des libéraux européens (ADLE) au Parlement européen.

LE MONDE

REUTERS/STOYAN NENOV

Aujourd’hui, les Roms souhaitent plus que tout s’intégrer dans les pays où ils se sont réfugiés. Pour lutter contre les discriminations et la ghettoïsation, il faut que l’Union européenne agisse.

A la demande des ONG qui réclamaient une commission d’inspection européenne en Italie, vous avez visité des camps roms près de Naples et Rome, les 17 et 18 mai. Que vous ont raconté les Roms ?

La première réaction a été : "Vous êtes notre dernière chance. La dernière qui puisse nous aider. Car tous ceux qui nous ont rendu visite, personnalités politiques, du gouvernement ou des organisations civiles, nous ont abandonnés face au danger." Rom comme eux, j’étais la dernière en qui ils puissent avoir confiance. Ce qui se passe en Italie est tout simplement effrayant. Mais ce n’est pas moi seule qui vais pouvoir changer le système italien.

Sur 200 000 Roms vivant en Italie, 80 000 sont citoyens italiens, 120 000 ex-Yougoslaves et Roumains. La majorité d’entre eux sont dans une situation très particulière : ils possèdent un passeport yougoslave, qui ne correspond plus à aucun pays existant, ils habitent en Italie depuis vingt, trente ou cinquante ans. Les enfants nés en Italie ont quasiment oublié le romani (langue largement partagée par les Roms en Europe).

Vous êtes, avec Livia Jaroka, une des deux seules députées rom du Parlement européen, où vous êtes entrée à 29 ans. Comment êtes-vous parvenue jusque-là ?

Dans le très petit village hongrois où j’ai passé mon enfance, à la frontière roumaine, nous vivions comme une grande famille. Un tiers hongrois, un tiers roumain, un tiers rom, tout le monde se connaissait.

Pourtant, il semblait tout naturel que, malgré d’excellents résultats, je sois reléguée au fond de la classe. C’était de la discrimination, c’est vrai, mais nous n’étions pas en danger, comme c’est le cas des Roms aujourd’hui dans plusieurs pays de l’Union européenne.

Quand j’avais 14-15 ans, j’étais toujours en train d’aider les miens à améliorer leur situation. Nous avions organisé un club avec mes camarades de classe et des membres de ma famille pour étudier ensemble, pour être mieux placés à l’école puis, plus tard, sur le marché de l’emploi.

Au lycée, je voulais préparer une école de journalisme : je voulais lutter contre les problèmes de discrimination que je constatais tous les jours dans la rue et les institutions. J’avais alors compris que le moyen le plus efficace était d’en parler à tout le monde.

L’opinion publique, j’en étais persuadée, ne pourrait juger qu’inacceptable tout ce que subissaient les minorités : difficultés sociales, ségrégation dans l’éducation, ghettoïsation, refus d’accès au système de santé.

Les Roms ont-ils des revendications en termes d’identité ?

En Italie, pas du tout. Le discours n’est pas aux revendications identitaires, car ils sont en situation d’urgence. En revanche, dans le reste de l’Europe, de nombreuses organisations civiles travaillent et se battent pour obtenir que le romani devienne une langue officielle de l’UE.

Les conférences sur les Roms réunissant différents Etats membres se tiennent en romani. En Hongrie, un des premiers résultats du mouvement rom a été l’officialisation du romani : nous pouvons étudier et obtenir des diplômes à l’école et à l’université en romani (ou en beash, autre langue parlée par les Roms). L’université possède un département de romologie. Mais la médaille a son revers : être bilingue romani et hongrois est souvent mal perçu.

Les Roms ont-ils une réelle volonté d’intégration ?

S’ils ne désiraient pas obtenir la citoyenneté italienne, les 100 000 ex-Yougoslaves retourneraient en Serbie, au Monténégro, en Bosnie, au Kosovo... Mais ils ont dû fuir les conflits des Balkans.

La question de la volonté d’intégration ne se pose pas pour une population qui n’a plus de terre dans le pays où elle est née. Quand la Yougoslavie s’est divisée sur une base ethnique, les Roms n’y avaient plus leur place. Ils ont fui dans les pays les plus proches. Peu leur importait qu’il s’agisse de l’Italie, de la Grande-Bretagne ou de la Belgique.

Je ne sais pas qui a commencé à dire que c’était dans leur sang de vivre en nomades. Les Roms ne sont pas des nomades. Ils ne bougent pas. Ils s’établissent, même si c’est dans des bidonvilles. La plupart des Roms d’Italie veulent être régularisés.

Ils ne considèrent pas la Serbie ou autre Croatie comme leur pays. En ce moment, avec plusieurs ONG internationales, nous mobilisons des avocats afin de recueillir tous les papiers des Roms pour essayer de leur obtenir la nationalité italienne. Il faut traiter chaque cas individuellement.

Face à la délinquance, en Italie comme en Bulgarie, des citoyens s’organisent en milices pour assurer la sécurité des quartiers. Les Roms respectent le droit coutumier (Romani Criss) mais pas toujours le droit national ?

Le Romani Criss est l’héritage historique de l’arrivée des Roms d’Inde en Europe au XIVe siècle. Ils étaient alors illégaux, chassés d’un pays vers l’autre. Et dans ce contexte spécifique, ils se sont dotés de moyens pour résoudre les problèmes de la communauté. Ils ont fondé le Romani Criss, une sorte de cour de justice composée des hommes les plus âgés qui pouvaient condamner un Rom au bannissement ou à avoir le crâne rasé.

Ce fonctionnement était lié au nomadisme, auquel ils étaient alors contraints. La communauté ne dépendait d’aucune cour nationale. Mais le Romani Criss n’est pas une législation, c’est une éthique communautaire. Et les règles du Romani Criss ne s’opposent en rien aux législations nationales.

Illégaux, les Roms en Italie ne bénéficient pas des soutiens sociaux auxquels ont droit les citoyens italiens pauvres. Je ne dis pas qu’ils ne pratiquent aucune sorte de criminalité, et le besoin ne les excuse pas. Les crimes doivent être punis. La réponse doit être la même pour chaque individu.

Quelle est, à votre avis, la meilleure approche pour améliorer la situation des Roms : nationale ou européenne ?

Les deux. Je pensais il y a quelques années que la question de l’intégration des Roms devait être de la responsabilité nationale, car chacun des vingt-sept Etats membres a une situation différente : problèmes sociaux, citoyenneté en Italie, ségrégation scolaire ailleurs.

Mais maintenant, après mon expérience au gouvernement en Hongrie, jusqu’en 2004 (comme ministre déléguée à l’éducation), je sais que la responsabilité doit être double. J’ai pu faire adopter des lois contre la ségrégation qui ont permis de développer un programme pour l’éducation, largement financé par l’Europe.

La Hongrie a reçu 215 millions d’euros pour la lutte contre la ségrégation : cinq écoles ghettos ont été fermées, mais 400 autres existent toujours. La loi ne suffit pas toujours, il faut une pression des politiques nationaux et européens.

Les maires, y compris ceux qui ont voté la politique d’intégration en tant que députés, ne l’appliquent pas de crainte de se mettre les électeurs à dos. Voila pourquoi on a besoin de fonds spécifiques de l’UE pour l’intégration des Roms : logement, travail, santé, éducation. Il faut également une justice très sévère contre la discrimination.

La question de la représentation des Roms par les Roms se pose de plus en plus. Etes-vous devenue l’interlocutrice des différentes communautés roms en Italie, Espagne, France ?

Si les Roms s’adressent à moi, dans les camps en Italie ou dans mon pays, c’est bien sûr en tant que représentante de notre communauté. Mais je souligne toujours que je suis une élue libérale qui travaille pour les Roms.

Le parti libéral (SzDSz) m’a demandé d’être sur sa liste pour défendre les minorités et spécialement les Roms, dont la situation devient de plus en plus dangereuse en Hongrie avec la montée de l’extrême droite. Mais je ne me pense pas comme représentante de tous les Roms. Même si c’est mon rêve.

La représentation des Roms est une question très complexe. Quand je travaillais pour le Centre européen des droits des Roms, avant d’entrer en politique, nous jouions un rôle très efficace d’information auprès de l’UE sur les discriminations.

De nombreux individus m’appellent encore aujourd’hui quand il leur arrive quelque chose. Mais rendre service aux discriminés de toute sorte est plus simple comme militante que comme membre du gouvernement ou élue de l’UE.

Les représentants politiques roms sont l’espoir des Roms, mais ils n’ont jamais été très efficaces. Ils se sentent investis d’une mission et font de leur mieux. Mais lorsque l’un d’entre eux prend la parole, devant le Parlement hongrois, de nombreux élus sortent de la salle.

Moi-même, lorsque j’ai suggéré à mon groupe politique qu’avant l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, nous devrions changer la politique de l’immigration au sein de l’UE, tout le monde a ri. Ils se sont moqués de moi, disant que la question avait déjà été traitée dans le processus d’adhésion.

La Commission publiera début juillet un rapport sur les politiques, les instruments existants et les progrès réalisés dans chaque Etat membre pour l’intégration des Roms. Une conférence se tiendra à Bruxelles en septembre. Que peuvent espérer les Roms et les Etats, qui ont l’air désemparés ?

L’intégration ! Que le gouvernement donne une réponse immédiate aux discriminations ! Les Roms en Italie attendent une réponse. Je ne sais pas ce que peut proposer Bruxelles. Il y a urgence. C’est pour cela que nous commençons à travailler avec les ONG.

Et en attendant d’obtenir des fonds de Bruxelles spécifiquement pour les Roms, l’Italie et la Roumanie devront régler le problème. Pour ceux qui sont en Italie, le mieux serait une régularisation au cas pas cas pour les ex-Yougoslaves. Et, pour les Roms roumains, commencer enfin sérieusement à les intégrer en Roumanie.

Propos recueillis par Anne Rodier


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