LA CRISE AUTOMOBILE
dimanche 26 octobre 2008 par JMT
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- L’Etat, dernier recours pour les constructeurs automobiles américain, p1
- L’industrie automobile européenne se prépare à un sévère coup de tabac, p1
- Automobile : les constructeurs français touchés de plein fouet, p1
- Les principaux constructeurs automobiles, p1
Quatre roues, cinq crises : où va l’automobile ?
Auteur de "Mobilités, trajectoires fluides" (éd. de l’Aube, 2005), Bruno Marzloff est sociologue et consultant spécialiste des enjeux de mobilité.
Selon lui, nous ne pourrons plus, demain, nous servir de notre voiture comme nous le faisons aujourd’hui, du moins en ville, et les constructeurs devront aussi changer de logique.
Une crise majeure semble se profiler pour les constructeurs automobiles, comment l’expliquez-vous ?
L’industrie automobile est confrontée à cinq crises. L’étincelle a été celle du renchérissement du prix du baril de pétrole sur les six premiers mois de l’année. Par ailleurs, la crise du pouvoir d’achat affecte directement la pratique de la voiture en augmentant dans le budget des ménages la part allouée aux transports.
Quant à la crise financière, même si l’on n’en connaît pas encore l’ampleur, on voit a minima qu’il y a une crise du crédit à la fois pour les constructeurs et pour les consommateurs. Il y a aussi la crise de l’environnement.
A force de voir au journal télévisé de 20 heures la calotte glacière se rétrécir, tout le monde finit par se dire qu’il y a un problème. Enfin, on ne peut pas écarter l’impact de la crise des subprimes (des crédits immobiliers gagés sur la valeur des biens acquis) sur l’automobile.
Quel rapport entre l’immobilier et l’automobile ?
Historiquement, la voiture s’est imposée comme un élément d’appropriation du territoire. Jean-Pierre Sueur, maire d’Orléans de 1989 à 2001 et secrétaire d’Etat en charge des collectivités locales entre 1991 et 1993, disait que sa ville s’était plus étendue depuis la massification de l’automobile que dans tous les siècles précédents. Qui a permis cela ?
L’automobile. La crise des subprimes a révélé aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en Europe que la chute des valeurs immobilières était directement proportionnelle à la distance qui sépare ces maisons du centre-ville. A Paris, les valeurs immobilières continuent de croître mais elles chutent dans la périphérie. Désormais, on ne peut plus calculer la valeur d’un bien immobilier sans la relier au coût du transport.
Le Mondial de l’automobile a attiré plus de monde qu’en 2006 et pourtant l’image de la voiture semble en plein bouleversement. Que s’est-il passé ?
On est effectivement à un moment où on bascule de la voiture objet patrimonial et social à autre chose. Les constructeurs pensent encore que la réponse est forcément dans l’objet. Ils veulent proposer toute la gamme : de la grosse voiture de luxe à la petite en passant par les véhicules à bas coût.
Ils ne pensent pas assez aux préoccupations des automobilistes. Une majorité de gens n’est plus attirée par la voiture. Il suffit de lire l’étude réalisée à la demande du Crédit agricole par l’institut CSA : 42 % des gens interrogés seraient prêts à délaisser leur voiture pour utiliser des voitures en libre service.
La liberté, c’est encore le porte-à-porte. Je prends ma voiture en bas de chez moi et je vais à mon travail. Sauf qu’aujourd’hui, ce porte-à-porte est de plus en plus contesté, en tout cas dans les territoires urbains. Et plus ils sont denses, plus la contestation est forte.
Venir à Paris en voiture, c’est compliqué. Il faut payer pour entrer dans le centre de Londres. A Amsterdam, c’est interdit. A Tokyo, il est impossible d’accoster le long des trottoirs et, pour posséder un véhicule, il faut arguer d’une place de parking. Partout dans le monde, il existe un contingentement de la place de la voiture. Le porte-à-porte est donc en train d’imploser.
Des initiatives commencent à apparaître pour des solutions d’auto-partage. Le groupement SNCF, Avis, RATP et Vinci a annoncé son intention de répondre à l’appel d’offres d’Autolib’ de la Ville de Paris. Qu’en pensez-vous ?
Dans toutes ces initiatives, cherchez l’erreur ! Où est le constructeur ? Guillaume Pepy, le patron de la SNCF, le dit lui-même, il a raté le Vélib’, il ne veut pas rater Autolib’. Sa préoccupation est de faire venir les voyageurs dans ses trains et donc jusqu’à la gare. C’est aussi la raison pour laquelle il vient de préempter 200 licences de taxi. Les gares deviennent des lieux d’articulation entre tous les transports.
Il existe d’autres initiatives. Tous les acteurs ont compris qu’il fallait s’adosser aux transports collectifs pour continuer à faire de la voiture. Et si aujourd’hui Autolib’ est envisageable, c’est parce que Vélib’ a réussi. Son succès n’est ni écologique, ni économique, c’est juste que rouler à vélo, c’est plus pratique. A Paris, c’est un transport entre les 250 stations de métro, les 2 500 stations de bus. On se trouve alors dans un système redondant : j’ai le choix entre le métro, le bus et le vélo.
Les constructeurs n’ont pas l’air d’avoir pris conscience de ces enjeux...
Ils peuvent se le permettre car ils ont un monopole de fait sur la réponse de mobilité offerte aux gens. Plus des deux tiers des déplacements se font en voiture. Plus de 80 % des ménages possèdent un véhicule.
Aujourd’hui, on est encore dans un système de dépendance automobile. Notre système résidentiel renforce cette dépendance. Au fur et à mesure que le panorama territorial s’est organisé, il s’est délité de toute ressource. On ne passe pas du jour au lendemain d’un système de dépendance à autre chose. Néanmoins, il n’existe pas à Paris. Moins de la moitié des ménages possède une voiture.
Mais en extrapolant, peut-on envisager la fin de la voiture ?
Non ! La voiture ne disparaîtra pas. Ce n’est pas possible. Elle est là, restera massivement utilisée et l’on ne s’en passera pas. Mais elle devra rentrer dans le système, avoir suffisamment de fluidité, de flexibilité pour répondre aux contraintes économiques et aux nouvelles normes sociétales.
Il est donc indispensable de réfléchir à la voiture autrement. Et le véritable défi auquel il faudra répondre, c’est celui de la mobilité durable. La mobilité actuelle est insoutenable à terme. D’abord parce que la fin des gisements fossiles que l’on utilise est programmée, ensuite parce que l’on pollue au-delà du raisonnable et enfin parce que le problème de la voiture, c’est aussi le porte-monnaie des ménages.
Il y a des gens qui ne peuvent plus mettre d’essence dans leur réservoir. Si les constructeurs automobiles n’en prennent pas conscience, ils deviendront de simples fournisseurs d’objets pour des gens qui eux penseront services et commodités.
Désormais, l’environnement technologique nous permet des solutions impossibles hier. On peut envisager par exemple des plates-formes d’échange pour le covoiturage. Aujourd’hui, il se borne au transport de son collègue de bureau. Demain, on pourra en faire à la volée, avec son téléphone mobile. Pour l’instant, on en est encore aux balbutiements mais avec le Web 2.0 (l’Internet participatif) et l’explosion des wiki (systèmes de gestion de données librement modifiables par les internautes), on peut tout à fait imaginer un développement rapide.
Aux Etats-Unis, Robin Chase, diplômé du Massachusetts Institute of Technology (MIT), est à l’origine de Zipcar, une société de location de voitures en partage. Après huit ans d’existence, elle exploite 5 000 voitures et compte 300 000 abonnés. Consciente des difficultés pour développer le covoiturage, elle vient de s’adosser à Facebook afin de faire entrer en contact l’offre et la demande.
Tout cela ne va-t-il pas se heurter au fait que les gens aiment bien posséder leur voiture ?
C’est en effet un problème. Mais s’il y a des solutions alternatives, il sera possible de s’affranchir de cette dépendance. Pour s’en sortir, on fera comme les fumeurs qui veulent arrêter. Souvent, ils n’achètent plus de cigarettes mais en "piquent" aux autres avant de s’arrêter totalement. Eh bien, pour la voiture, ce sera pareil. On fera de la VDA (la voiture des autres). Jusqu’au moment où les acteurs du marché offriront des solutions qui auront un sens.
Comment nous déplacerons-nous alors dans dix ans ?
La première étape va consister à arrêter la logique centrifuge dans laquelle sont entraînées les villes. Il faut en finir avec la "rurbanisation". En l’espace de quarante ans, on a multiplié par dix l’écartement domicile-travail en passant de 3-4 kilomètres à 30-40 kilomètres.
Mais comme on ne mettra pas la campagne à la ville, ni la ville à la campagne, l’enjeu va consister à faire en sorte que les gens n’aient plus à faire nécessairement ces déplacements quotidiens. Il va falloir recréer de nouvelles centralités, des sortes de hubs comme dans les aéroports, où les gens se rencontreront.
Qui sont par exemple les gens qui vont dans les cafés Starbucks ? Beaucoup sont des gens qui viennent travailler. Ils sont entre deux rendez-vous et ne veulent pas repasser au bureau ou bien ils donnent leurs rendez-vous dans ces cafés. Chacun fait un bout du chemin et tout le monde y gagne.
Dans tout ce que vous décrivez, les grands absents sont les constructeurs...
Pour l’instant. Mais même si cela ne se traduit pas encore dans leur discours, on sent bien qu’ils réfléchissent. Jusqu’à présent, ils n’avaient pas besoin de penser le client autrement. Celui-ci n’existait à leurs yeux que lorsqu’il ouvrait la portière. Dès qu’il la fermait, il n’était plus leur client.
Dès que les constructeurs réaliseront que leurs clients ont une vie avant et après la voiture et qu’elle peut être servie par d’autres modalités de déplacement, alors ils développeront une politique de services. De la même façon que Renault a signé un partenariat avec la société Better Place - qui se chargera du réseau d’échange des batteries - pour lancer sa voiture électrique en Israël et au Danemark, Renault pourrait signer, par exemple, avec Autolib’.
Propos recueillis par Nathalie Brafman
L’Etat, dernier recours pour les constructeurs automobiles américain
LE MONDE 24.10.08 17h04 New York, correspondant
General Motors (GM) a annoncé, jeudi 23 octobre, de nouveaux "licenciements", sans autres précisions. Son PDG, Rick Wagoner, les a motivés par "un besoin croissant de liquidités". Cette annonce a été perçue comme d’autant plus alarmante qu’elle s’ajoute à un plan de départs volontaires ouvert en février, pour lequel le nombre d’inscrits dépassait l’attente du constructeur automobile.
Depuis 2005, GM a déjà supprimé 34 000 emplois. Chrysler a annoncé, jeudi, la fermeture d’une usine d’assemblage dans le Delaware avec, à la clé, 1 825 suppressions d’emploi. Le constructeur a confirmé, vendredi, qu’il allait réduire d’un quart le nombre de ses emplois administratifs et de ses intérimaires, soit jusqu’à 5 000 postes, d’ici à la fin de l’année 2008.
Au total, en deux ans, le secteur automobile américain a perdu plus de 150 000 emplois et 36 sites ont été fermés. Les périls qui le menacent deviennent si pressants que l’éventualité d’une injection de fonds par l’Etat fédéral, comme il a eu lieu récemment pour le secteur bancaire, est désormais évoqué.
Jeudi encore, républicains et démocrates confondus, ont rendu publique une lettre adressée au secrétaire au Trésor, Henry Paulson, et au président de la Réserve fédérale (Fed), Ben Bernanke. Ils s’étonnent que le plan de sauvetage des banques, doté de 700 milliards de dollars (550 milliards d’euros) ignore l’état de l’automobile. "Il est impératif, écrivent-ils, que le gouvernement assure que des liquidités soient injectées pour que l’industrie automobile puisse fonctionner jusqu’à ce que la normalité soit rétablie parmi les pourvoyeurs de crédit."
Selon les analystes, GM, à court de liquidités, et s’étant vu refuser des crédits, pourrait se retrouver en dépôt de bilan d’ici à huit mois. Et la situation de tout le secteur est très inquiétante. En un an, GM a vu ses ventes baisser de 17,8 %, Ford de 17,4 %.
Leur rythme actuel de baisse s’établit à 25 %. La capitalisation boursière du premier a chuté de 80 %, celle du second de 75 %. Or les perspectives sont calamiteuses. Les Américains achètent moins de véhicules – crédit resserré oblige – et privilégient les moins gourmands en carburant, que ces constructeurs ont tardé à développer. Une réorganisation de leur production prendra du temps.
Dans ce contexte, les constructeurs américains sont plongés dans une crise de liquidité sans précédent. Depuis vingt mois, GM a perdu 57,5 milliards de dollars et continue de perdre un milliard par mois. A l’été, le groupe a procédé à des ventes d’actifs et du chômage technique massif. Mais le plan, destiné à lui rapporter 15 milliards se révèle aujourd’hui insuffisant. De son côté, Chrysler, que l’allemand Daimler a cédé en 2007 au fonds d’investissement Cerberus est en coma avancé.
Depuis quelques semaines on parle d’une fusion GM-Chrysler ou d’une prise de participation de Nissan dans Chrysler. Mais ces hypothèses posent autant de problèmes qu’elles n’en résolvent. Comme dans le cas du secteur financier, c’est la survie de l’automobile américaine qui est en jeu. La problématique, économique, est aussi sociale et politique.
PREMIER EMPLOYEUR INDUSTRIEL DU PAYS
L’automobile américaine reste le premier employeur industriel du pays, avec 230 000 salariés. Il fait aussi vivre 600 000 retraités et leurs familles (aux Etats-Unis, il n’existe pas de caisse de retraites universelle).
En 2007, le secteur, toutes activités confondues, représentait 4,5 millions d’emplois, soit 2,9 % des salariés américains. Son chiffre d’affaires annuel est de 250 milliards de dollars, il dépense 10 milliards par an en recherche et développemnt et concourt pour 2,2 % au revenu de chaque Américain.
Aussi, aujourd’hui, tous les yeux se tournent vers l’Etat. L’option d’un renflouement public est étudiée par le Trésor. Est-ce envisageable ? "Absolument !", répond Craig Fitzgerald, expert du cabinet Plante & Moran, à Southfield (Michigan). L’automobile a déjà reçu un engagement public de 25 milliards de dollars pour sa recherche.
Mais, comme hier Fannie Mae et Freddie Mac, les deux piliers du crédit immobilier finalement nationalisés, GM, Ford et Chrysler ne trouveront personne pour lever des fonds sur les marchés et les banques ne s’engageront pas, vu le resserrement de leur capacité de crédit et le risque qu’une avance de fonds représenterait.
"Il est difficile d’envisager une prise de participation directe de l’Etat, comme dans les banques. Un tel renflouement se ferait vraisemblablement sous forme de prêts à taux très préférentiels, avec un remboursement ne débutant pas avant cinq ans". A quelle hauteur ? Au bas mot, "10 milliards pour chacun", juge M. Fitzgerald.
Sylvain Cypel
L’industrie automobile européenne se prépare à un sévère coup de tabac
La production automobile européenne va tourner au ralenti jusqu’à la fin de l’année. Confrontés sur la première partie de l’année à la flambée du prix du baril de pétrole, puis au ralentissement économique et enfin à la crise financière, les constructeurs voient leurs ventes dégringoler. Sur douze mois, en septembre, les immatriculations européennes de voitures neuves ont chuté de 8,2 % après 15,6 % en août. Sur l’ensemble de l’année, le marché pourrait reculer de 8 %. Il y a encore quelques mois, les constructeurs anticipaient une baisse de 4 %.
AFP/PATRICK KOVARIK - Renault indique que ses ventes en volumes 2008 devraient être légèrement supérieures à celles de 2007, à moins d’une "détérioration additionnelle des marchés automobiles."
Confrontés à une baisse de leur pouvoir d’achat, les automobilistes qui voulaient changer leur voiture ont décidé de reporter leur achat. De plus, en Europe, 80 % des véhicules sont achetés à crédit, or les banques sont plus réticentes à prêter de l’argent en ce moment.
La plupart des constructeurs sont contraints à réduire leur production. Présentant le chiffre d’affaires du troisième trimestre, vendredi 24 octobre, Christian Streiff, le président du directoire de PSA Peugeot-Citroën, a annoncé des "réductions massives de production" dans toutes ses usines en Europe.
A Mulhouse, dix jours seront chômés d’ici la fin de l’année et la troisième équipe a été annulée. Le site de Rennes fermera pendant les vacances de la Toussaint et à Sochaux, treize jours d’arrêts sont programmés d’ici fin novembre. Les usines de Vigo et de Madrid en Espagne ainsi que celle de Trnava en Slovaquie ne sont pas épargnées.
Jeudi, Patrick Pélata, pour sa première apparition en tant que directeur général délégué de Renault, annonçait lui une baisse de la production de 20 % d’ici la fin de l’année. "La crise est là et bien là et elle touche Renault", a-t-il déclaré en préambule. Conséquence : toutes les usines d’assemblage et de mécanique du constructeur fermeront en Europe de l’ouest pendant les congés de la Toussaint.
"La question des stocks est l’un des points les plus délicats dans cette crise", a admis M. Pélata. Manifestement, personne n’avait anticipé une chute aussi forte de certains marchés en Europe, notamment en Espagne ou encore en Grande-Bretagne. Fin juin, la valeur du stock était de 6,5 milliards d’euros chez Renault.
"Nous travaillons dur pour [le] ramener en dessous de 5,9 milliards à fin décembre. Nous faisons le même effort avec le réseau. Les concessionnaires ne sont pas dans un état financier qui leur permet de prendre des stocks", a expliqué M. Pélata. Chez PSA, il atteignait fin septembre 677 000 véhicules – dont 286 000 dans le réseau– contre 566 000 un an plus tôt.
LA BOURSE N’A PAS APPRÉCIÉ
La mévente et le gonflement des stocks vont fortement peser sur le niveau de la rentabilité au quatrième trimestre. L’objectif de marge opérationnelle (le rapport entre le résultat d’exploitation et le chiffre d’affaires) a été revu à la baisse. Renault ne prévoit plus qu’une marge opérationnelle comprise entre 2,5 % et 3 % alors qu’il visait en début d’année les 4,5 %.
L’objectif de 6 % fixé dans le cadre du plan Renault Contrat 2009 par Carlos Ghosn, président de Renault, paraît dans ces conditions bien compromis. La Bourse n’a pas apprécié : le titre Renault chutait de 11,5 % à 22,4 euros, vendredi matin. PSA n’était pas mieux loti avec une baisse de 11,8 % à 15,7 euros, après l’annonce d’une marge de 1,3 % en 2008 contre 3,5 % prévus initialement.
L’ensemble des constructeurs fait preuve d’un grand pessimisme. "Nous vivons des temps extraordinaires que nous n’avions jamais vécus auparavant. La crise financière se transforme en crise économique", a reconnu Dieter Zetsche, le président de Daimler (Mercedes). Le constructeur prépare un "programme plus complet pour ajuster la production aux marchés".
Ferdinand Piëch, président du conseil de surveillance de Volkswagen (VW) et copropriétaire de Porsche a prédit "une traversée du désert" pour l’automobile, dans une interview au quotidien Bild Zeitung, jeudi 23 octobre. La filiale espagnole de VW, Seat, a décidé de réduire la production d’environ 21 000 voitures en novembre. BMW a diminué ses objectifs de production de 25 000 véhicules. Enfin Fiat prévoit un bénéfice 2009 en chute de 45 % au pire. L’usine de Mirafiori à Turin va fermer deux semaines au lieu d’une.
Nathalie Brafman
Automobile : les constructeurs français touchés de plein fouet
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters 24.10.08 09h11
Reuters/© Radovan Stoklasa / Reuters Confronté à la baisse des marchés automobiles en Europe, le groupe automobile français PSA Peugeot Citroën a annoncé vendredi une révision en baisse de sa prévision de marge opérationnelle pour 2008, et prévu des "réductions massives de production" au quatrième trimestre.
L’impact de la débâcle du système financier déclenchée aux Etats-Unis et l’effondrement des marchés financiers commence à se répercuter sur l’économie réelle. Les piètres résultats trimestriels des grands groupes industriels, constructeurs automobiles en tête, en apportent une preuve supplémentaire.
Le constructeur automobile français PSA Peugeot Citroën a enregistré au troisième trimestre un chiffre d’affaires de 13,301 milliards d’euros, en baisse de 5,2 % par rapport au même trimestre de 2007, a-t-il annoncé, vendredi 24 octobre, dans un communiqué. Sur les neuf premiers mois de l’année, le chiffre d’affaires s’est élevé à 44,6 milliards d’euros, en baisse de 0,5 % sur la même période de 2007.
Le groupe table sur un "fort recul" du marché automobile d’Europe occidentale "de l’ordre de 17 % au quatrième trimestre" et "de 8 % sur l’ensemble de l’année 2008". Le groupe prévoit des "réductions massives de production" au quatrième trimestre. PSA estime également que la croissance des marchés dans ses "zones prioritaires de développement" (Chine, Mercosur, Europe de l’Est et Russie) "ralentit significativement" et "devrait se situer autour de 10 % pour l’ensemble de l’année 2008".
Renault a publié la veille un chiffre d’affaires en baisse de 2,2 % pour le troisième trimestre et annoncé que sa marge opérationnelle 2008 ne se situerait qu’entre 2,5 et 3 %, alors qu’il visait 4,5 % en début d’année. "La crise est là et bien là et elle touche Renault", a déclaré Patrick Pélata, directeur général délégué du cinquième constructeur automobile européen, au cours d’une conférence de presse.
Renault souligne que ses ventes en volumes 2008 devraient être légèrement supérieures à celles de 2007, à moins d’une "détérioration additionnelle des marchés automobiles." En février, Renault tablait sur une croissance de ses volumes de 10 %. La dégradation des marchés automobiles ayant commencé à se manifester concrètement au cours du premier semestre, le groupe avait réduit une première fois cette prévision à +5 % lors de la publication de ses résultats semestriels le 24 juillet.
Le constructeur va réduire de 20 % sa production au quatrième trimestre en Europe en raison de la dégradation de ces marchés, ce qui correspond aux mesures d’économies annoncées en juilllet, a annoncé jeudi Patrick Pelata, directeur général délégué de Renault. "C’est une baisse sur l’Europe élargie", a-t-il dit, en parlant d’un "ordre de grandeur".
"Sur le monde, ça ferait un peu moins", a-t-il ajouté. Renault a annoncé récemment la suppression de 2 000 emplois dans ses filiales européennes. Ce plan s’ajoute à celui annoncé en juillet qui prévoit 4 000 départs "volontaires" en France dont 1 000 sur 3 700 à l’usine de Sandouville fragilisée par la mévente de la nouvelle Laguna.
Le secteur automobile est déjà touché de plein fouet par la crise : le suédois Volvo va supprimer 850 emplois, en plus des 1 400 déjà annoncés, l’américain Chrysler 1 800, General Motors envisage des licenciements. L’allemand Volkswagen pourrait licencier jusqu’à 25 000 travailleurs intérimaires, selon Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Les principaux constructeurs automobiles
Aurore Pétain JDF 22.10.2008 13H00
Dans ce contexte de crise des marchés financiers, le paysage des constructeurs automobiles est bouleversé. En un an, tous les grands constructeurs mondiaux ont vu leurs titres chuter de 38% à 83%. En revanche, Volkswagen gagne presque 60%.
Si, en termes de production, General Motors et Toyota se disputent toujours le haut du pavé, en termes de valorisation, Volkswagen est désormais la première capitalisation boursière européenne des constructeurs automobiles. Le groupe capitalise ainsi 78,375 milliards d’euros, son action ayant bondi de 60% depuis octobre 2007. A lui seul, il pèse ainsi plus que tous les autres constructeurs européens réunis.
Volkswagen, premier constructeur européen avec 3,435 millions de véhicules produits au premier semestre 2008, tire son épingle du jeu grâce à une bonne santé financière et à une stratégie de développement efficace.
Avec 1,4 milliard d’euros de liquidités, et un ROIC (retour sur capitaux investis) de 9,7% parmi les plus élevés du secteur, la firme de Wolfsburg a de bons fondamentaux grâce aux plans (et notamment For Motion) mis en place. En 4 ans, VW a ainsi quintuplé ses bénéfices. Le constructeur a misé sur les pays émergents, qui sont le relais de la croissance automobile, alors que les marchés de la Triade (Japon, Etats-Unis et Europe) sont en ralentissement.
Il a ainsi vendu plus d’un million de véhicules en Chine en un an. Son positionnement réussi combinant la marque premium Audi et des marques plus accessibles font du groupe une vedette du Dax 30, faisant même office de valeur refuge lors de la semaine noire du 6 octobre. Les spéculations sur la montée au capital de Porsche, qui détient 35% déjà du capital, ont également alimenté la hausse du titre.
Toyota pèse 120,50 milliards de dollars. Le premier constructeur automobile mondial avec 4,035 véhicules produits au premier semestre 2008 a néanmoins vu sa capitalisation fondre de 41% depuis un an. Le fondateur du « zéro stock » a présenté des résultats en baisse. Pour le trimestre finissant en juin 2008, le constructeur nippon a enregistré un bénéfice net en repli de 28,1% par rapport à l’année dernière. Ses ventes en Europe de l’ouest ont baissé de 14,4% au premier semestre 2008. Les ventes aux Etats-Unis ont également reflué, mais les ventes en Asie (hors Japon), Océanie et Afrique ont augmenté de plus de 10%.
Distancé par les deux géants, Honda arrive troisième avec 39,56 milliards de dollars, Daimler est quatrième avec 29,44 milliards. Nissan et BMW suivent avec respectivement 21,53 et 16,03 milliards. Viennent ensuite Fiat (9,81 milliards), Renault (9,82 milliards), Hyundai (9 milliards), Porsche (6,17 milliards), Peugeot SA (5,61 milliards) et Ford (4,75 milliards).
En queue de peloton, on trouve General Motors. Longtemps leader mondial de l’automobile, l’américain arrive dernier avec seulement 3,5 milliards de dollars de capitalisation boursière. Le titre du groupe a perdu cette année 83% de sa valeur.
Le constructeur américain connait une descente aux enfers comme ses confrères américains. Malgré l’octroi d’une aide gouvernementale de plusieurs milliards de dollars, le premier constructeur américain souffre de la déprime du marché américain et de la désaffection croissante des consommateurs pour les modèles gourmands en carburant.
De plus en plus d’américains plébiscitent les véhicules légers permettant ainsi aux constructeurs asiatiques de prendre des parts de marché. Avec une perte de 15,5 milliards de dollars au deuxième trimestre 2008 et une trésorerie qui fond à vue d’œil, GM ne peut pas rassurer le marché. Son projet de fusion avec Chrysler pourrait même tomber à l’eau, faute de financements.
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